Les "Yers": un profil à soigner
- Mari-Wenn Caroff
- 5 mai 2017
- 4 min de lecture
Récemment (re)vu sur un réseau social : un n-ième article présentant la génération Y comme une génération « malheureuse au travail » … définition justifiée par une fréquence dans les changements d’employeur dès le début de carrière. Les « Yers » ? des professionnels dits impatients, à la fois en quête d’autonomie et de flexibilité horaire et réfractaires à une hiérarchie trop marquée… Des professionnels à qui l’on reproche d’avoir perdu le sens de l’effort. Une génération « qui s’écoute, qui encaisse moins les coups… fragile ».
Pourtant, les « Yers » / 18-35 ans représentent à la fois la force vive des actifs…et une génération portée par une véritable énergie créatrice.

Une population en quête de sens, qui veut redonner du sens au quotidien (à ce qu’elle fait, à ce qu’elle devient). Besoin de se lever le matin avec la conviction qu’ils vont avoir de l’impact et que leurs actions font la différence. C'est une génération qui garde à l’esprit la certitude que le changement sera d’abord la conséquence d’actes personnels menés au quotidien et non pas celle de changements gouvernementaux. Nous sommes nombreux à suivre, via Facebook, les aventures d'une dizaine de contacts qui, bac +5 en poche et première expérience professionnelle validée, ont fait le choix de quitter un job pour partir à la rencontre du monde. Rencontre avec eux-mêmes ? D’autres, après quelques années de pratique d’un métier du tertiaire, réalisent que les options choisies après l’école de commerce ou l’université ne vont pas dans le sens de leur nature et contrarient leurs aspirations naturelles. Après quelques années en finance, en rh ou en droit, parfois dans des contextes de stress chronique sans occasion de lever le regard, ils interrogent leur entourage et se prennent de passion pour des sujets moins abstraits et directement reliés à ce qui justifie d’y consacrer un pan de leur vie.

Le sens de l’impermanence, contre le gaspillage : c’est une jeunesse qui, engagée dans des carrières à durée indéterminée sur des fonctions cycliques, se recentre sur l'essentiel en gardant chevillée au corps l'idée que rien ne dure et que seule la vie justifie un intérêt intarissable. C’est ainsi qu’il va falloir ne pas la gâcher, cette vie. La leur, celle des autres et de tout ce qu’il y a de vivant. Ne pas sacrifier son énergie et sa santé au profit d’intérêts insensés : un rapport à la carrière renouvelé et axé sur le bonheur et l’accomplissement personnel davantage que sur le statut et l’impression laissée aux autres. Ne pas gâcher les fruits de la nature et se rapprocher d’un mode de consommation plus authentique et protecteur : on privilégie les circuits courts en matière d’agro-alimentaire, on opte pour l’économie des énergies avec le covoiturage, les panneaux solaires, les matériaux « basse consommation », la protection des espèces animales en voie de disparition, etc.
Un engagement d’autant plus ferme avec une grande précision dans les choix professionnels qui sont aussi des choix de vie. Ce qui peut être perçu comme une fuite, si plusieurs changements se succèdent, n’est rien d’autre que l’expression de cette précision. Les Yers ont ce besoin viscéral d’être en phase avec eux-mêmes et ne se maintiendront dans une mission que si elle coïncide avec ce en quoi ils croient. Par honnêteté vis-à-vis d’eux-mêmes et de leur employeur; par instinct de survie si le cadre de la mission porte atteinte à ce qui compte par ailleurs (santé, vie de couple, famille). Les Yers abordent leur vie professionnelle et leur vie privée comme un tout intégré…et ne comptent ni le temps ni les efforts dès lors que leur fonction et leur entourage professionnel existent en ligne avec leur passion et dans le respect de leur intégrité. Dans le cas contraire, c’est une partie d’eux-mêmes qui disparaît et autant de force en moins.

L’intra- ou l’entrepreneuriat : un leitmotiv, une attitude. Ce n’est donc plus la carrière mais le projet qui retient leur attention et alimente leur envie d’agir. Ce n’est pas la hiérarchie mais le mentoring qui les influence. Et c’est moins le salaire que la liberté d’action qui les motive. Il faut de la place pour impacter leur environnement professionnel et leur propre vie. Ainsi, nous avons là une diversité de startuppers en puissance, prêts à quitter le confort d’un emploi à durée indéterminée pour se tester sur un projet de création d'entreprise et prendre le contrôle de leur vie professionnelle. Une fonction de « C-level » au sein d’un groupe est un objectif qui passe, pour les « Yers », loin derrière l’indépendance que confère l’aventure entrepreneuriale au risque de premières années sans salaire et sans vacances.
Au fond, cette génération Y, décriée et sujet à polémique, loin du profil blasé et impatient dont on peut lire les défauts un peu partout, est une tranche de la population active marquée par sa vitalité et son envie de faire et de bâtir. Ce sont des individus qui servent sans compter ce qui les inspire et nourrit leur projet d’avoir un impact positif sur leur environnement. C’est une population qui n’échappe pas à ses responsabilités ; au contraire, elle interroge régulièrement son attitude et ses choix pour mieux les assumer. C’est un profil dont il faut prendre soin en entreprise afin de bénéficier de cet élan vital qui, s’il apparaît parfois insolent, n’a d’autre visée que de nourrir le mouvement constructeur d’un projet, d’un groupe, d’une société au sens large.

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